TETRAMERON
DE
Carlos José Somoza
Tétraméron est un roman à la fois atypique et déconcertant constitué de contes.
Originellement le conte a pour fonction d’accompagner l’enfant durant son
enfance en le mettant en garde contre les dangers qui peuvent peser sur lui. Le
titre fait écho avec les contes médiévaux Décameron
de Boccace.
Ici les contes dont les
intrigues diffèrent sont pourtant liés entre eux. Ce premier lien est le
personnage central, Soledad. Ce nom qui évoque la solitude est porté par une
enfant de douze ans qui souffre de cette solitude et qui semble souffrir de son
invisibilité aux yeux de tout son entourage. Lors d’une sortie scolaire dans un
ermitage dans les environs de Madrid, Soledad décide de ne pas suivre le groupe
et s’engouffre dans un escalier qui semble descendre dans les entrailles de ce
lieu. Elle arrive à une porte, l’ouvre innocemment et se retrouve dans une
pièce très étroite face à quatre personnes assises autour d’une table noire sur
laquelle sont gravées deux salamandres qui semblent se courir après pour se
mordre la queue. Soledad avance, la porte se referme et elle n’en ressortira
plus. Elle se retrouve donc face à cette société secrète composée de quatre
personnes.
Ainsi Somoza nous plante
le décor et les sensations de malaise et peur s’installent peu à peu. Ces
quatre personnes, deux hommes et deux femmes vont raconter leurs contes aussi
effroyables, dérangeants qu’énigmatiques. Soledad sera en même temps à la merci
de leurs désirs et devra répondre à leurs questions concernant le sens de ces
contes.
Ces histoires ne sont pas
anodines et sont remplis de symbolisme qui nous déroute. Certains contes
semblent faire écho avec les romans précédents de Somoza. Par ailleurs les
contes semblent s’imbriquer les uns dans les autres de manière métaphorique.
Les terreurs, fantasmes, désirs, frustrations de chacun, la lutte entre le bien
et le mal y sont contenus. Les rituels initiatiques, cannibalisme, sacrifices,
orgies y sont évoqués dans des paysages oniriques et des situations qui nous
rappellent La Dame N°13 et Clara et la Pénombre. Ces contes sont
comme des tiroirs ou plutôt des boîtes gigognes que l’on ouvre l’une après l’autre.
D’ailleurs, Somoza utilise cette métaphore de la boîte entre certains contes
que le lecteur ouvre pour y découvrir son contenu symbolique. C’est comme un
fil d’Ariane qui semble cependant complexe à suivre, mais que nous suivons
jusqu’au dénouement. Chaque conte, chaque boîte semble correspondre à une étape
de la vie liée à l’enfance et en l’occurrence celle de Soledad et à l’étape qui
va lui permettre de sortir de l’enfance pour entrer dans l’adolescence voire
plus.
Une mise-en-abime
multiple s’offre au lecteur avec des énigmes qui resteront sans solution. La Clé de l’Enigme n’est pas dans ce
livre mais en nous, avec notre expérience intime de la vie. Ces contes offrent
des pistes, des réflexions comme toute autre œuvre littéraire, philosophique ou
religieuse. Nous sommes Soledad à notre manière, seul devant les mystères, les
énigmes de la vie avec nos désirs, peurs et fantasmes. Les grands amateurs de
Somoza seront déconcertés en lisant Tétraméron
mais sa construction et ce qu’elle renferme les marqueront tout de même.
Céline B.
Céline B.
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