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mercredi 28 décembre 2011

Rencontre avec Jonathan Coe en 2010



AU SALON DES LITTERATURES EUROPEENNES,
COGNAC 2010


 Né près de Birmingham en 1961, Jonathan Coe fit ses études à Cambridge, enseigna à l’université de Warwick et obtint son PhD en littérature britannique. Il s’intéresse beaucoup à l’écriture et la musique (joua dans un groupe). Cette passion pour la musique se fait ressentir dans toutes ses œuvres (The Dwarves of  Death fait souvent référence à des groupes et des passages sont incrustés de partitions).
Mais Jonathan Coe n’est pas venu au Salon de la Littérature Européenne pour parler de ses romans ou de lui, mais d’un auteur qui l’influença par son style et sa personnalité. Cet auteur est B.S. Johnson. Né en 1933 et il se donna la mort quarante ans plus tard. Son oeuvre se compose de pièces de théâtre, nouvelles, poèmes, films et de sept romans. Ce sont ces sept romans dont Jonathan Coe se sert pour écrire sa biographie. Pensant que cela lui prendrait deux années, lorsque Peter Straus, éditeur chez Picador lui demanda de rédiger cette biographie en 1995, il réalisa que ce serait une tâche de longue haleine tant la courte vie de BS Johnson avait été riche et intense tant dans sa vie personnelle que dans ses oeuvres littéraires. Il commença donc en même temps que son roman La maison du Sommeil et ensuite Picador la publia en 2004.



Ecrire une biographie, entrer dans l’intimité d’un homme qu’on admire pour Jonathan Coe lui paraît une tâche délicate, étant lui-même un écrivain doté d’une vision puritaine de la littérature britannique. Ayant écrit deux biographies pour des raisons « alimentaires », Jonathan Coe fut invité à écrire celle de BS Johnson. Mais de quelles manières allait-il s’y prendre ?
Lors de la conférence Jonathan Coe était accompagné de la traductrice de cette biographie, Vanessa Guignery et de l’ éditeur Pascal Arnaud (Quidam éditeur) qui a déjà édité cinq des sept romans de BS Johnson. Il nous exposa quelques traits de cet auteur avant-gardiste des années soixante qui fut qualifié à l’époque comme l’égal de James Joyce et d’autres encore. Mais il sombra dans l’oubli, ses romans cessèrent d’être édités et les revues littéraires le délaissèrent. Ainsi c’est une tâche difficile que de faire revivre un auteur décédé depuis trente ans, de parler d’un auteur dont le milieu du livre n’est qu’un marché où il faut vendre et vendre.
B.S Johnson était qualifié d’un auteur expérimentaliste, mais ses œuvres sont bien accessibles nous assure Jonathan Coe. Lorsqu’on parle du roman expérimental en Grande-Bretagne, son nom apparaît de suite puis ceux  d’autres auteurs moins renommés comme Alan Burns, Ann Quin et de Christine Brooke-Rose. En France nous avions Nathalie Sarraute et Alain Robbe-Grillet à cette même époque.
Ce côté expérimental est visible déjà dans la forme sans qu’on aborde le texte. En effet l’éditeur, Pascal Arnaud nous montra trois de ses œuvres comme Le Chalut dont le texte est d’un seul tenant, sans paragraphe avec seulement des blancs, Albert Angelo, dans lequel B.S Johnson s’inspira de son expérience d’instituteur et le texte se présente sous deux colonnes, celle où les protagonistes parlent et en miroir une autre colonne où l’on a leurs pensées au moment où ils parlent. Puis Travelling People se présente sous forme de feuillets qu’on peut lire dans l’ordre que l’on veut.

Dans l’introduction de cette biographie, Jonathan Coe nous fait part de ses inquiétudes sur la place du roman et de la littérature dans notre société, la manière dont elle est traitée, exploitée dans les médias.
« Nous vivons dans une culture abreuvée d’interviews à la radio et à la télévision, de portraits dans la presse, de lectures publiques avec séances de questions-réponses. Les romans eux-mêmes loin d’être considérés comme des objets suffisants à eux-mêmes qui auraient une dimension un tant soit peu définitive, deviennent donc une simple étape préliminaire d’un processus plus large : un processus essentiellement consacré à l’examen minutieux et à l’investigation de la vie des écrivains, au nom de cette curiosité insatiable qui se nourrit de quiconque commet l’imprudence de se présenter comme un personnage public. » , B.S. Johnson, histoire d’un éléphant fougueux, p18.
Jonathan Coe illustre même ses inquiétudes sur le genre littéraire qu’est la biographie en citant Kundera : « Le romancier démolit la maison de sa vie pour, avec les briques, construire une autre maison : celle de son roman. D’où il résulte que les biographes d’un romancier défont ce que le romancier a fait, refont ce qu’il a défait. Leur travail, purement négatif, ne peut éclairer ni la valeur ni le sens d’un roman ; il peut à peine identifier quelques briques. Au moment où Kafka attire plus d’attention que Joseph K., le processus de la mort posthume de Kafka est amorcé. » (Milan Kundera , L’Art du Roman, Gallimard, 1986, p 182. Mais Jonathan Coe va belle et bien abattre ces murs pour construire cette biographie.
La biographie que nous présente Jonathan Coe ne sera donc pas une biographie traditionnelle, mais plus  un dossier littéraire qui s’appuie sur ses sept romans.
 
Jonathan Coe nous livra ensuite une séance de dédicace sur ses propres romans et cette biographie ainsi nous montra son prochain roman à paraître en France, The Terrible Privacy of Maxwell Sim, dans lequel il y aura beaucoup de références sur la biographie de B.S. Johnson.
  
Le lendemain, il revint pour une autre séance de dédicaces, et étant plus disponible, je lui demandai d’où venait cet intérêt pour la musique, cette omniprésence dans ses romans :
Ainsi, il m’expliqua qu’il était un musicien frustré et aurait aimé être compositeur. La musique pour lui est très liée aux émotions, mais il ne peut que les transcrire avec les mots. Les années soixante-dix étaient prolifiques en groupes de musiques ce qui provoquaient à l’époque beaucoup de discussions et débats. Dans ses romans, en particulier, The Rotter’s Club, dont le titre provient d’un groupe de rock expérimental appelé « Hatfield and The North », beaucoup de groupes sont cités, dans l’espoir que ses lecteurs écoutent ces musiciens pendant leur lecture pour bien s’imprégner de l’ambiance. . Dans son roman The Dwarves of Death, les partitions incrustées dans le texte sont de Jonathan Coe.

Je remercie l’équipe du Salon de la Littérature Européenne, session 2010, de l’avoir invité et de m’avoir fait partager ce grand moment ; Jonathan Coe étant pour moi un très grand auteur qui force le respect et l'admiration, très accessible par sa simplicité et disponible même s’il se dit timide . Étant un fin critique de la société britannique et s'intéressant à beaucoup de choses, j'aurais aimé lui parler plus longtemps !!


  Céline B.

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