INTERVIEW
DE JOSE CARLOS SOMOZA
EN
PRESENCE DE
SON
INTERPRETE ET TRADUCTRICE MARIANNE MILLION
PAR
ERIC NAULLEAU
AUX LITTERATURES EUROPEENES DE COGNAC
L’interview porte sur
son dernier roman, L’Appât paru chez Acte Sud.
Eric
Naulleau présente le roman comme un thriller, un thriller shakespearien. Chez
nous le terme même de « thriller » peut nous faire dresser les
sourcils, car beaucoup d’adeptes se sentent blasés par ce genre. Cependant
celui-ci ne ressemble pas aux thrillers que l’on rencontre sur les rayonnages
spécialisés.
E.
Naulleau lui demande à quel moment de sa vie il a découvert Shakespeare et
pour quelle(s) raison(s) nourrit-il cette passion.
J.C Somoza déclare
que ce ne sont pas les lecteurs qui rencontrent des auteurs, mais des auteurs
qui rencontrent les lecteurs. Ainsi, dit-il, c’est Shakespeare qui l’a
découvert lorsqu’il avait 11 ans au travers de la pièce, Hamlet, dans la scène
du fantôme. Le fantôme racontait à Hamlet toutes les horreurs qui se passaient
dans l’au-delà. Il lui répond : « Hélas, pauvre spectre ».
J.C Somoza raconte qu’il
était fasciné par cette réponse. Il explique qu’il y a des choses dans la
littérature qui nous cueillent. Ainsi Shakespeare lui a appris que la clef est
de cueillir le lecteur.
Puis E. Naulleau lui
demande si les œuvres de Shakespeare ont une autre signification pour lui et
s’il les relie.
Pour J.C
Somoza, chaque lecture lui apporte et représente quelque chose de nouveau
et de différent. Il les lit et relit et ne trouve jamais de fin pour
l’interprétation. Il ajoute qu’il y a même qu’il ne parvient pas à connaître
tout le pouvoir de cette littérature Il ressent Shakespeare comme un père littéraire.
Apparemment,
dit-il, un film se prépare sur le fait qu’il n’aurait pas écrit ses pièces.
C’est donc comme si je ne connaissait pas mon père littéraire. On ne sait pas
si c’était une autre personne ou un groupe. Il n’a publié que ses sonnets et le
reste, ce sont ses amis après sa mort qui les ont publiées. Somoza finit par
dire que cela est étrange d’avoir cette paternité littéraire.
E. Naulleau
revient sur le roman en question avec le personnage de Diana Blanco de la
police espagnole qui traque le tueur en série. Ainsi la police utilise la technique
de la « philia » pour traquer le tueur. Cette « philia »
est comme une programmation de nos désirs enfouis et par le biais de
gestes éxécutés ou paroles prononcées au bon moment, la police pourra
appréhender le tueur. Ainsi par cette théorie qui se développe, la vie apparaît
du coup comme une pièce de théâtre où tout est programmé et ainsi l’idée
de sentiment chez les êtres disparaît. Du coup E. Naulleau s’interroge sur le
fait que J.C Somoza aime développer certaines théories dans ses romans. Mais
est-ce vraiment le cas ?
J. C
Somoza nous assure qu’ils n’écrit que des romans et non des essais. Le sujet du
roman ici a l’air compliqué alors qu’il est très simple. Il explique qu’il part
du fait que l’on fait des choses qui nous plaisent et d’autres qui nous
plaisent pas et qu’on ne le sait pas.
La clef
est de reproduire ce goût. Par exemple lors des entretiens d’embauche pour
lesquels on soigne son apparence, on prête attention à notre façon de
s’exprimer ; ou bien la relation entre son médecin et son patient (le
patient est soit un être humain soit un ensemble d’organes, et pour la patient,
le médecin est soit synonyme de bonnes nouvelles ou de mauvaises nouvelles.).
En fait nous passons notre temps à interpréter les autres.
On arrive
à un effet calculé. Vous pouvez en utilisant la philia, l’effet produit sur les
autres. Ainsi, les sentiments restent à la surface.
E.
Naulleau ajoute que dans le roman, la séduction est portée au degré
scientifique. Ce sont les 50 philias qui sont utilisées dans Shakespeare…
J.C Somoza
explique qu’au moment d’écrire le roman, il voulait que le jeu théâtrale soit
centrale à l’intrigue. Son choix porte sur Shakespeare car on ne sait rien
vraiment de sa religion (protestante ?, catholique ?), de ses
orientations sexuelles ou de son appartenance politique. On a toutes les
possibilités dans ses personnages au travers desquels il parle. Somoza utilise
chaque philia dans son roman en s’inspirant de ces pièces connues comme de
celles que l’on vient de découvrir. Il faut savoir que ce n’est pas tous les
auteurs morts de plus de 400 ans qui ont l’honneur de sortir un best-seller…
E.
Naulleau renforce l’idée que L’ Appât est un thriller shakespearien haletant et
s’enquiert de savoir auprès de l’auteur si, comme dans le roman, Shakespeare
fut membre d’un société secrète et occulte.
J.C.Somoza
répond que Shakespeare parlaient d’ouvrages portant sur l’ésotérisme bien
présente dans ses pièces.
Le fait
intriguant c’est que John Dee était un astrologue contemporain de Shakespeare.
Donc pourquoi ne pas envisager de relations entre les deux ?
E.
Naulleau revient sur la formation de J.C Somoza, qui est la psychiatrie et lui
demande son influence sur son écriture.
J.C Somoza, comme
on peut s’en douter, nous répond que tous les journalistes lui posent cette
question même après son treizième roman. Il a donc été psychiatre pendant un
an. Mais cela ne l’a jamais influencé dans sa manière d’écrire. Cependant pour
répondre au moins une fois de façon affirmative, il s’en est servi dans ce
roman.
Il
explique que lorsqu’il a commencé à être psychiatre, cela ne l’intéressait pas.
Car dans la psychiatrie on s’occupe de la maladie et non du malade. Savoir qui
il est, importe peu. Ce n’est donc pas intéressant d’un point de vue
littéraire.
Mais il y
a tout de même une chose intéressante à retenir dans la psychiatrie. :
nous ne sommes pas ce que nous croyons être. Nous sommes autre chose. Par
exemple on se croît honnête, alors que l’on se ment à soi-même et aux autres.
« Le
connais-toi, toi-même » est antérieur à la psychiatrie. La psychiatrie lui
a donc appris que nous ne sommes pas ce que nous croyons.
Il ajoute
que la littérature est inutile en se référant encore à Shakespeare qui parle de
la littérature avec une grande passion. Ainsi Shakespeare a changé sa vie. Et
il y a des auteurs appréciés de ses amis qu’il trouve insupportables. Cependant
un livre peut tout de même changer la vie de quelqu’un.
Pour
revenir à l’inutilité de la littérature, il peut l’expliquer en la comparant à
un objet , tel un marteau : on sait qu’il est utile, quand il tape et
quand on sait s’en servir. Mais seul sur une table, il ne sert à rien. La
littérature c’est donc la même chose.
E.
Naulleau revient sur le genre utilisé par Somoza dans la plupart de ses
romans : le genre policier à sa manière bien personnelle.
J.C.Somoza
explique que c’est le mystère. Il sert de guide au lecteur, amis aussi à
l’auteur. Il ajoute qu’à chaque fois il entreprend un voyage et compte emmené
le lecteur avec lui. Il entreprend ce voyage pour découvrir le mystère. Selon
lui, le genre policier est le genre le plus réaliste, car la réalité même est
un mystère. On sait qu’il y a un meurtre et on cherche la solution. Somoza
affirme qu’il aime être le miroir de ma réalité.
Pour
finir E. Naulleau lui demande si on peut avoir une idée du prochain roman.
Somoza
répond qu’il n’aime pas trop en parler, non pas par superstition mais dans le
but de se sentir totalement libre pour l’écrire.
Céline B.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire