AU SALON DES
LITTERATURES EUROPEENNES,
COGNAC 2010
Né près de Birmingham en
1961, Jonathan Coe fit ses études à Cambridge, enseigna à l’université de
Warwick et obtint son PhD en littérature britannique. Il s’intéresse beaucoup à
l’écriture et la musique (joua dans un groupe). Cette passion pour la musique
se fait ressentir dans toutes ses œuvres (The Dwarves of Death fait
souvent référence à des groupes et des passages sont incrustés de partitions).
Mais Jonathan Coe n’est
pas venu au Salon de la Littérature Européenne pour parler de ses romans ou de
lui, mais d’un auteur qui l’influença par son style et sa personnalité. Cet
auteur est B.S. Johnson. Né en 1933 et il se donna la mort quarante ans plus
tard. Son oeuvre se compose de pièces de théâtre, nouvelles, poèmes, films et
de sept romans. Ce sont ces sept romans dont Jonathan Coe se sert pour écrire
sa biographie. Pensant que cela lui prendrait deux années, lorsque Peter
Straus, éditeur chez Picador lui demanda de rédiger cette biographie en 1995,
il réalisa que ce serait une tâche de longue haleine tant la courte vie de BS
Johnson avait été riche et intense tant dans sa vie personnelle que dans ses
oeuvres littéraires. Il commença donc en même temps que son roman La maison
du Sommeil et ensuite Picador la publia en 2004.
Ecrire une biographie,
entrer dans l’intimité d’un homme qu’on admire pour Jonathan Coe lui paraît une
tâche délicate, étant lui-même un écrivain doté d’une vision puritaine de la
littérature britannique. Ayant écrit deux biographies pour des raisons «
alimentaires », Jonathan Coe fut invité à écrire celle de BS Johnson. Mais de
quelles manières allait-il s’y prendre ?
Lors de la conférence
Jonathan Coe était accompagné de la traductrice de cette biographie, Vanessa
Guignery et de l’ éditeur Pascal Arnaud (Quidam éditeur) qui a déjà édité cinq
des sept romans de BS Johnson. Il nous exposa quelques traits de cet auteur
avant-gardiste des années soixante qui fut qualifié à l’époque comme l’égal de
James Joyce et d’autres encore. Mais il sombra dans l’oubli, ses romans
cessèrent d’être édités et les revues littéraires le délaissèrent. Ainsi c’est
une tâche difficile que de faire revivre un auteur décédé depuis trente ans, de
parler d’un auteur dont le milieu du livre n’est qu’un marché où il faut vendre
et vendre.
B.S Johnson était
qualifié d’un auteur expérimentaliste, mais ses œuvres sont bien accessibles
nous assure Jonathan Coe. Lorsqu’on parle du roman expérimental en
Grande-Bretagne, son nom apparaît de suite puis ceux d’autres auteurs
moins renommés comme Alan Burns, Ann Quin et de Christine Brooke-Rose. En
France nous avions Nathalie Sarraute et Alain Robbe-Grillet à cette même
époque.
Ce côté expérimental est
visible déjà dans la forme sans qu’on aborde le texte. En effet l’éditeur,
Pascal Arnaud nous montra trois de ses œuvres comme Le Chalut dont le
texte est d’un seul tenant, sans paragraphe avec seulement des blancs, Albert
Angelo, dans lequel B.S Johnson s’inspira de son expérience d’instituteur
et le texte se présente sous deux colonnes, celle où les protagonistes parlent
et en miroir une autre colonne où l’on a leurs pensées au moment où ils
parlent. Puis Travelling People se présente sous forme de feuillets
qu’on peut lire dans l’ordre que l’on veut.
Dans l’introduction de
cette biographie, Jonathan Coe nous fait part de ses inquiétudes sur la place
du roman et de la littérature dans notre société, la manière dont elle est
traitée, exploitée dans les médias.
« Nous vivons dans une
culture abreuvée d’interviews à la radio et à la télévision, de portraits dans
la presse, de lectures publiques avec séances de questions-réponses. Les romans
eux-mêmes loin d’être considérés comme des objets suffisants à eux-mêmes qui
auraient une dimension un tant soit peu définitive, deviennent donc une simple
étape préliminaire d’un processus plus large : un processus essentiellement
consacré à l’examen minutieux et à l’investigation de la vie des écrivains, au
nom de cette curiosité insatiable qui se nourrit de quiconque commet
l’imprudence de se présenter comme un personnage public. » , B.S. Johnson,
histoire d’un éléphant fougueux, p18.
Jonathan Coe illustre
même ses inquiétudes sur le genre littéraire qu’est la biographie en citant
Kundera : « Le romancier démolit la maison de sa vie pour, avec les briques,
construire une autre maison : celle de son roman. D’où il résulte que les
biographes d’un romancier défont ce que le romancier a fait, refont ce qu’il a
défait. Leur travail, purement négatif, ne peut éclairer ni la valeur ni le
sens d’un roman ; il peut à peine identifier quelques briques. Au moment où
Kafka attire plus d’attention que Joseph K., le processus de la mort posthume
de Kafka est amorcé. » (Milan Kundera , L’Art du Roman, Gallimard,
1986, p 182. Mais Jonathan Coe va belle et bien abattre ces murs pour
construire cette biographie.
La biographie que nous
présente Jonathan Coe ne sera donc pas une biographie traditionnelle, mais
plus un dossier littéraire qui s’appuie sur ses sept romans.
Jonathan Coe nous livra
ensuite une séance de dédicace sur ses propres romans et cette biographie ainsi
nous montra son prochain roman à paraître en France, The Terrible Privacy
of Maxwell Sim, dans lequel il y aura beaucoup de références sur la
biographie de B.S. Johnson.
Le lendemain, il revint
pour une autre séance de dédicaces, et étant plus disponible, je lui demandai
d’où venait cet intérêt pour la musique, cette omniprésence dans ses romans :
Ainsi, il m’expliqua
qu’il était un musicien frustré et aurait aimé être compositeur. La musique
pour lui est très liée aux émotions, mais il ne peut que les transcrire avec
les mots. Les années soixante-dix étaient prolifiques en groupes de musiques ce
qui provoquaient à l’époque beaucoup de discussions et débats. Dans ses romans,
en particulier, The Rotter’s Club, dont le titre provient d’un groupe
de rock expérimental appelé « Hatfield and The North », beaucoup de groupes
sont cités, dans l’espoir que ses lecteurs écoutent ces musiciens pendant leur
lecture pour bien s’imprégner de l’ambiance. . Dans son roman The Dwarves of
Death, les partitions incrustées dans le texte sont de Jonathan Coe.
Je remercie l’équipe du
Salon de la Littérature Européenne, session 2010, de l’avoir invité et de
m’avoir fait partager ce grand moment ; Jonathan Coe étant pour moi un très
grand auteur qui force le respect et l'admiration, très accessible par sa
simplicité et disponible même s’il se dit timide . Étant un fin critique de la
société britannique et s'intéressant à beaucoup de choses, j'aurais aimé lui
parler plus longtemps !!
Céline B.
Céline B.
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