Le Mur Invisible
De
Marlen Haushofer
Écrivaine autrichienne
née en 1920, Marlen Haushofer passa son enfance dans une maison forestière avec ses parents
dont le père est garde-forestier. Après sa scolarité dans un pensionnat, elle
mena une vie littéraire en parallèle de son métier d’assistante au cabinet
dentaire de son mari. Très concernée par la condition féminine, ses œuvres littéraires
furent très remarquées et récompensées au moment de leur sortie, mais
maintenant sont malheureusement dans l’oubli.
Le Mur Invisible, paru en
1963 reçu beaucoup d’éloges. Je découvris ce roman grâce au film du même titre tourné
par Julian Roman Pölsler et sorti en 2012. L’actrice qui interprète la
narratrice du roman, Martina Gedeck déclara s’être isolée plusieurs mois dans
une cabane dans la montagne pour pouvoir s’imprégner du personnage et de son
univers. Et quel univers !
Ce film, avant la lecture
du roman, m’avait tant embarquée, que l’histoire de cette femme ne me quitta
pas et je me décidais d’acheter le livre édité chez Babel.
Je ne fus pas déçue par
ces 300 pages qui racontent l’histoire de cette femme. C’est donc l’histoire d’une
femme invitée à passer quelques jours dans le chalet de chasse du mari de sa
cousine dans une vallée des montagnes autrichiennes. Ce chalet isolé dans la
forêt fut aménagé par son propriétaire dans le but de survivre à un cataclysme,
catastrophe quelconque. Il ne faut pas oublier qu’à l’époque c’était la guerre
froide et ce roman pourrait traduire les
angoisses de l’auteure et de ses pairs avec la croissance des industries produisant des armes
susceptibles de détruire l’humanité.
Ainsi elle se retrouve
dans ce pavillon de chasse et ses amis dans la soirée décident de redescendre
au village à pied sur le chemin forestier creusé le long d’une falaise et
longeant une gorge. Préférant rester seule, elle se repose dans cet havre de paix entouré de cet écrin de verdure surplombé de montagnes. La soirée passe, leur chien « Lynx » est revenu. Le lendemain au réveil, ses amis ne sont toujours pas revenus. Elle se décide avec
Lynx de descendre à pied et se rend compte que le chien la met en garde envers
un danger « invisible » jusqu’au moment où elle se cogne à ce mur, une
surface transparente, lisse et froide qui lui barre le chemin (p18):
« Interdite, j’allongeai
la main et je sentis quelque de froid et de lisse : une résistance lisse
et froide à un endroit où il ne pouvait y avoir rien d’autre que de l’air.[…] A
ce moment j’entendis frapper bruyamment et je regardais autour de moi avant de
comprendre que c’étaient mes propres battements de cœur qui retentissaient à
mes oreilles. Mon cœur avait eu peur avant que je le sache. [ …] N’importe
quoi d’un peu aberrant m’aurait paru plus facile à accepter que cette terrible
chose invisible. Pourtant la gueule de Lynx continuait à saigner et la bosse de
mon front commençait à me faire mal.»
A partir de cette minute
là, tout bascule dans sa vie de femme policée, civilisée. La survie s’impose au
fur et à mesure que les heures s’écoulent, que les jours passent…
Les contraintes de cette
ancienne vie disparaissent, et d’autres tâches incombent. Se retrouvant ainsi
cloîtrée dans la montagne avec pour seule compagnie, Lynx, puis une vielle
chatte et aussi une vache qui fut épargnée par ce qui se trouve au-delà de ce mur, elle
doit s’armer de patience, de sagacité, de courage et de bien d’autres qualités pour
exploiter ce que cette nature peut lui offrir, se présentant parfois comme une
aubaine ou bien comme un piège.
Le récit à la première
personne vous embarque immédiatement dans cette vallée et ne vous quittera
jamais. Le livre se dévore et vous découvrez le quotidien de cette femme page
après page au gré des saisons, des rites et cycles des animaux familiers qui l’entourent et
dont elle doit s’occuper puisque leur vie dépend d’elle. Tout en découvrant ses
journées remplies, vous découvrez toutes ses pensées existentielles, ou pas, qui
surviennent lors de sa prise de note, de sa décision pour la narratrice à
raconter son histoire (p9, première page du roman) :
« Je n’écris pas
pour le seul plaisir d’écrire. M’obliger à écrire me semble le seul moyen de ne
pas perdre la raison. Je n’ai personne qui puisse ici réfléchir à ma place ou
prendre soin de moi. »
Ce roman se présente aussi
comme une écriture-thérapie, revenant sur tous les événements de son quotidien
évoqués en toute simplicité mais aussi pouvant être source de réflexion sur sa
propre existence de femme et celle d’être humain.
Riche en sensations,
nuances, descriptions des scènes quotidiennes de la fenaison, du temps passér
en alpage, de la traite, de la création d’un champ de pommes de terre puis les
scènes de chasse vont engendrer la découverte d’elle-même pour l’amener à une
forme d’épanouissement hors de la société régie majoritairement par les hommes.
Cette histoire vous
embarquera et ne vous quittera jamais…Si vous regardez d’abord le film vous
voudrez lire le roman, et si le roman vient d’abord à vous, vous vous
précipiterez aussi sur le film.
Céline B.
Voici la BO du film:
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