LE MURMURE DES CIMES
DANIEL GREVOZ
Guide de haute montagne
depuis 1972, Daniel Grévoz s’adonne aussi à l’écriture de récits, romans
historiques sur les grands espaces et le Sahara. Plusieurs fois récompensé, il
nous livre ici un roman sur la montagne dont sa plume nous invite à partager
les états d’âme de Germain, soldat traumatisé par la guerre 1914-18.
Ayant perdu l’usage de la parole, ce jeune
soldat ne rêve que de redevenir un homme et non cet être répugnant que cette
enfer de la guerre a peu à peu engendré.
Empli de visions d’horreurs
et de toutes les traces laissées par ce carnage, Germain souhaite redevenir le
montagnard qu’il était. Poussé à s’isoler dans un chalet en alpage, il devra
réapprendre à vivre, à assumer son handicap que le monde des hommes en bas
méprise et raille. Les jours passent, sa haine des hommes demeure, mais la
nature, les montagnes qui l’entourent commencent à lui offrir de nouvelles
perspectives qui vont atténuer ses souffrances et faire émerger et entrevoir
encore la possibilité de pouvoir s’émouvoir et s’émerveiller.
P81 : « Une
heure d’intense dialogue avec l’inaudible et l’indicible que la présence du
bouquetin rendait parfaitement perceptible. »
Condamné à ne plus
communiquer avec le monde des hommes, il va réapprendre à parler avec la
nature. Seul des notes griffonnées ou croquis ébauchés sur un carnet vont
témoigner de sa renaissance.
Renaissance. Il s’agit
bien de cela. Deux rencontres déterminantes vont le réconcilier avec la vie. De
la montagne qui n’était qu’un refuge pour sa solitude deviendra celle du
partage et un moyen d’expression.
Daniel Grévoz affirme un
talent sûr pour évoquer la montagne des « montagnards » et non celle
des alpinistes, tel qu’il le dépeint sous le regard de son personnage Germain.
Des sensations physiques
aux élans spirituels, du monde civilisé et visible à celui de l’invisible où le
dialogue ressurgira, Germain apprendra progressivement à faire le lien grâce à
l’ « aristocrate » des cimes puis avec Pauline dont le deuil de
son frère alpiniste se construira en découvrant le monde de la montagne.
L’auteur, à travers ce
récit émouvant et très intense, semble aussi « redonner » une
définition du « montagnard », qui peut être aujourd’hui se perd avec
ses alpinistes pratiquant le « speed climbing » ou des « montagnards
consommateurs de montagne ».
Il donne ici une
dimension noble, poétique, intensément sensorielle et contemplative de la montagne
et de ce qu’elle peut apporter en termes de réponses, de réflexions sur notre
propre existence. Alliant Beethoven aux contours effilés des cimes, de l’écrit
au geste, il nous transmet peut être la voie pour accéder à l’ »éternel ».
P98 : «Vivre une
ascension sans aboutissement, sans sommet, sans fin. Éternelle ! Se diluer
dans l’espace… Se détacher de la vallée. Ne plus être qu’une brume au flanc des
montagnes. »
C’est un roman certes
court, mais qui se lit lentement tant il est dense et riche. Il se parcourt bien
sur le mode de la contemplation. Afin de suggérer l’évolution des états d’âme
de Germain, chaque chapitre débute par une citation d’écrivains ayant écrit sur
la montagne. Cependant beaucoup de phrases du roman pourraient devenir
illustres ou du moins inspirer bon nombre de lecteurs.
Céline B.
Céline B.
Merci beaucoup pour cet article qui donne envie de lire le livre : "Le Murmure des Cimes" de Daniel Grevoz.
RépondreSupprimerBonne journée.